ANALYSE DES TITRES EN VERSION INTÉGRALE
L.A WOMAN
La rythmique acid-rock par excellence : L.A Woman est l’un des chefs d’oeuvres des Doors, une de ces longues pièces à tiroirs dont je parlais dans l’analyse générale. La guitare 2 présente toutes les caractèristiques de la rythmique acid-rock. Une pulsion légère bien funky, ponctuée de dead notes, avec alternance d’accents sur les temps faibles, les contretemps et les temps forts.
Au niveau de l’interlude la guitare s’adapte et suit le mouvement général. Dans le pont central, elle s’efface d’abord complètement, pour revenir ensuite croiser le fer avec la guitare 1 dans un double solo et finir le titre sur la même rythmique qu’au début. On note que le riff principal de cette guitare est exécuté sur un seul accord.
De la même manière, la basse joue un seul riff, à la façon d’un holler, en version acid-rock. Le clavier croise les lignes mélodiques avec la guitare lead et les harmonies sont les résultantes du mélange global. C’est le genre de morceau qui résulte de l’imbrication de toutes les parties.
Tant que vous n’avez pas enregistré la dernière note de guitare, vous demeurez incertain quant au résultat final. Ce fut du moins mon impression durant la longue reconstitution de ce titre.
Une guitare lead très mélodique : d’une manière générale, prenez un son d’overdrive en mettant peu d’effet et ajoutez de la reverbe. Sur votre guitare, mettez le volume à 8. Vous pourrez ainsi le réduire dans certains passages où le son est presque clean et l’augmenter dans le pont ou le solo 2.
Pour le slide du début, prenez plutôt un son de type distorsion en ajoutant un peu de delay.
Après quelques mesures réservées à la rythmique basse-batterie-claviers, la guitare attaque en harmonisant le lead à la tierce supérieure. On reconnait immédiatement le mode mixolydien avec sa 7èmem caractèristique. Dans la deuxième partie de l’intro, Robby répète régulièrement la même phrase déclinée sous de multiples variantes rythmiques ou mélodiques. Ces phrasés sont typiques du style Krieger.
Pendant le couplet, Robby travaille en système question-réponse avec le chant. On retrouve ces fameuses lignes mélodiques très rythmiques et si facilement mémorisables. Au niveau du refrain, un jeu en tenues sur une succession d’accords différents donne une plus grande largeur au son avec la complicité du piano bastringue.
Solo 1 : la première phrase est encore un bel exemple d’utilisation du mode mixolydien. Dans toute la partie centrale, Robby joue sur La penta M. On remarque les bends pour l’expression mais encore une fois, l’élément le plus marquant est le rythme. En fait, si vous voulez apprendre facilement les leads de Robby, c’est très simple : il suffit de savoir les chanter.
Pour finir, on revient au mode mixolydien. La guitare reprend alors son dialogue avec le chant mais le phrasé est à présent construit sur La blues, puis on passe à l’interlude après un second refrain. La pulse change et devient jazzy. On joue des arpèges sur des accords majeurs qui restent bien rock, le mélange étant parfaitement psychédélique.
La guitare réharmonise dans un second temps les arpèges en sophistiquant les harmonies globales puis on retrouve une pulsion rock presque latino avec le changement opéré par la section rythmique. La tension monte encore d’un cran avec la reprise du refrain. V
ous noterez déjà le nombre impressionnant de climats depuis le début du titre. Et ça n’est pas fini. Après un couplet-transit assez court où les réponses sont carrément jouées sur La penta m, dans le but de préparer le passage suivant, nouvelle cassure avec le pont 2.
Half time feel : Le rythme se dédouble (half time feel) et l’harmonie évolue doucement vers le mode m, la guitare confirmant cette direction en jouant des plans très nuancés en La penta m. Lorsque l’affaire s’est bien calmée, nos amis relancent progressivement la machine. Les deux guitares croisent le fer et la tension n’en finit pas de monter.
Les plans sont basés sur La penta m à laquelle on ajoute régulièrement l’une des deux blue notes. Le groupe accélère et l’on débouche au final sur un nouveau passage avec le solo 2. Ce passage est léger et sautillant.
Solo 2 : on est sur un schéma quelque peu modulant car Robby traite chaque accord avec la penta M partant de sa fondamentale. Ainsi, il joue Do penta M sur DoM, Ré penta M puis Ré blues sur RéM. Il donne donc l’impression que la tonalité change alors que l’on reste globalement en La blues. On revient sur le mode mixolydien au final avec un superbe phrasé au legato flamenco, dans un contexte un peu inhabituel pour ce dernier.
Vous noterez que les doubles croches sont du plus bel effet, mais attention car c’est un peu difficile. Travaillez d’abord à basse vitesse.
La fin du morceau voit le retour de parties déjà connues. Vous remarquerez l’extrême variété des nuances, surtout dans l’ad lieb. Quel morceau! Si vous aviez envie de connaitre le psychédélisme dans sa version la plus évoluée, vous avez gagné.
Un mix ingénieux : on terminera cette étude avec un gros plan sur le mix général, fruit de l’imagination de Bruce Botnick, le successeur du génial Paul A. Rothchild, qui ne mixa pas L.A Woman pour cause de divergences avec les Doors. La batterie est placée en position naturelle (parfaite stéréo respectant la position live des différents éléments). La basse est légèrement à gauche. Le Fender Rhodes est totalement à gauche, le piano bastringue totalement à droite.
La guitare lead est complètement à droite et la guitare 2 à l’exact opposé. Ce dispositif est très ingénieux car il permet aux différents instruments de faire vivre le morceau en fonction de leurs différentes parties. Ainsi l’ouverture est totale sur le refrain et la tension à son comble sur le pont central. En bref, le truc qui parachève le chef d’oeuvre. Belle leçon à méditer.
JJ RÉBILLARD
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