POÉSIE, ROCK, JAZZ ET PSYCHÉDÉLISME
Jim Morrison est donc le parfait chanteur pour le plus grand groupe psychédélique des sixties. Mais revenons à notre histoire. Ray et Jim finissent leur cycle d’études cinématographiques et quittent l’UCLA avec leur diplôme en poche fin mai 65. Jim décide de partir pour New York et Ray reste seul à L.A. Finalement Jim ne reste pas à New York et rentre en Californie où il retrouve Ray sur la fameuse plage de Venice Beach.
L’idée des Doors est née et il ne reste plus qu’à trouver les autres musiciens. Pas facile. Le problème du bassiste pouvait être résolu facilement grâce à la super main gauche de Ray. Il n’en était pas de même pour le batteur qui serait au carrefour du jazz et du rock. Quant au guitariste, il devait être à la fois Les Paul, Chuck Berry et Charlie Christian.
En gros le guitariste serait un rocker qui connaît le jazz et le batteur un jazzman qui peut faire du rock, selon les propres termes de Ray. De plus, ces musiciens se devaient de bien comprendre le message de Jim et Ray : mixer la poésie au rock, le jazz au psychédélisme.
C’est à l’automne 65 que Ray découvre les deux perles rares durant les classes de méditation transcendantale du Maharishi Mahesh Yogi. John Densmore et Robby Krieger sont issus d’un groupe déjà psychédélique, les Psychédélic Rangers.
ROBBIE KRIEGER L’INNOVATEUR
John adore le jazz et vénère Coltrane ou Elvin Jones mais il sait également jouer rock. Quant à Robby, ses influences sont plutôt variées comme nous le verrons bientôt. Il présente toutes les caractéristiques recherchées par Ray.
En plus, il a dans son sac une réserve de sons quasiment inédits et joue merveilleusement du bottleneck. Son jeu est résolument blues rock, mais sa connaissance de la musique classique et du jazz lui permet de saisir toutes les subtilités harmoniques de Ray.
Le groupe est prêt et il ne reste plus qu’à finaliser les compositions de chacun en leur donnant le son Doors. Pour ce faire, on applique le psychédélisme, ce qui consiste notamment à faire sauter toutes les barrières et à tenter toutes les expériences de mélanges sonores et stylistiques.
Nos amis vont rapidement y parvenir, mais il reste ensuite un gros problème : celui de la maison de disques. Ils se font d’abord éjecter de toutes les boites qui veulent bien les recevoir, le délai de réception n’excédant jamais 5 minutes.
Leur histoire de poésie et de rock est totalement incomprise et passe surtout pour de la musique de drogués...
Ils réussissent cependant à devenir le groupe maison du célèbre Whiskey-a-Go-Go où ils font un véritable malheur, jouent avec les Them, Franck Zappa, Buffalo Springfield, les Byrds et bien d’autres encore.
Jim devient le sex symbol le plus en vu du moment et les Doors signent enfin avec Elektra Records.
Deux jours après, ils rencontrent le cinquième Doors, Paul A. Rothchild, le producteur le plus cool, le plus intelligent et le plus branché de la planète. On connaît la suite en sept albums, comme les sept chakras.
UN SON ET UN STYLE PRÉDÉFINIS
On remarque donc que le son et le style des Doors sont pratiquement prédéfinis avant qu’ils aient effectué le moindre enregistrement.
Les grandes lignes en sont les suivantes : côté son, la voix de Jim, celle d’un authentique bluesman, capable de faire frissonner le rocker le plus endurci.
Le clavier basse hypnotique de Ray et ses pianos bastringue ou ses claviers inédits comme le clavecin de Love me two times.
La guitare de Robby aux mille sonorités, tantôt clean ou crunch, tantôt ultra saturées avec des sons précurseurs du métal et ce bottleneck très étrange comme dans l’intro de L.A Woman.
La batterie inédite, mélange de jazz et de rock, caractérisée par une légèreté funky qui deviendra la marque de fabrique des batteurs d’acid-rock.
Cet habile mixage est le son des Doors. En studio, l’inventivité de Paul Rothchild donnera la touche finale, de par ses expérimentations stéréophoniques, ainsi que vous le constaterez dans l’analyse des différents titres.
Pour le style le psychédélisme domine : on peut tout essayer, du moment que cela fonctionne. On teste les mélanges les plus fous et on laisse naitre la couleur finale.
Les textes sont de pures poésies, le fond musical un mix de pop californienne, de rock’n roll, de Chicago Blues et de jazz.
Accessoirement, on ajoute une pincée de musique classique, de flamenco ou de world, comme dans The End.
Cela rappellerait presque les Beatles. Il est vrai que les Doors ont subi leur influence, mais ils ont été les premiers à tester de tels mélanges et à appliquer les idées du psychédélisme à la musique.
Celui-ci confère aux compositions un caractère nouveau pour l’époque. Ce sont souvent de longues pièces aux tiroirs multiples, caractérisées par de fréquentes improvisations vécues par l’ensemble du groupe.
On sort ainsi de l’univers gentillet des chansons pop de la première moitié des sixties.
JJ RÉBILLARD
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