PIANISTE ET BASSISTE DES DOORS
Tout commence en 1939 (et oui, ça ne date pas d’hier). Ray Manzarek voit le jour à Chicago, issu d’une famille d’origine polonaise. Ses parents sont des collectionneurs de disques de blues et sa mère chante admirablement.
Il commence le piano à 7 ans, suit dans un premier temps des cours "classiques” avec un prof plutôt rébarbatif avant de rencontrer le prof idéal qui lui apprend toute sa science, à commencer par la structure du blues. Viennent ensuite le rag, puis le boogie woogie.
Cette période est très importante pour les futurs Doors. Laissons Ray commenter lui même: « Ma main gauche est finalement devenue le bassiste des Doors. La technique du boogie woogie, et le clavier-basse Fender Rhodes se combinèrent pour créer le bourdonnement hypnotique du son des Doors ».
Et à 13 ans, notre ami a une rencontre mystique avec le blues. Muddy Waters, John Lee Hooker, Magic Sam, Sonny Boy Williamson, Howlin Woolf, en clair toute la crème du Chicago Blues de la grande époque. En fait, c’est justement l’apogée du Chicago Blues des pionniers de l’éléctricité et l’adolescence de Ray coincide avec cette période.
LE STYLE MANZAREK
A 17 ans, le rock’n roll devient le truc du moment et Ray en profite pour apprendre à faire rocker son piano, un complément de formation, en quelque sorte. Mais ses passions reste le blues ou le rythm’n blues, notamment le nouveau style funky d’un Otis Rush, initiateur du blues mineur.
Du fait de son goût pour la black music, Ray écoute aussi du jazz. John Coltrane est sa principale influence avec le pianiste Mc Coy Tiner, mais Miles Davis le marque également profondément.
Le jazz restera cependant plus discret dans son style, apparaissant au détour d’un solo ou encore dans les harmonies des compos des futurs Doors. Ray conserve une forte connotation blues, boogie, ainsi qu’une approche très soul de la musique.

Enfin sa première éducation est classique, à l’européenne. Il en gardera une grande habileté harmonique, en particulier dans l’art des modulations. Un évènement confirme l’importance de la musique classique dans l’éducation musicale de Ray, mais il se produit plus tard à la fin des années 50.
Ray découvre Debussy interprèté par l’orchestre symphonique de Chicago. « La Mer » est un véritable électrochoc sur le plan des ambiances harmoniques, et l’on retrouvera cette influence dans plusieurs compositions des Doors.
Le second électrochoc a lieu lorsque Ray écoute « La Mer » en version jazz par Bill Evans. Ray comprend alors que tous les styles peuvent être mixés pour parvenir à toutes les sortes de fusion. Comme on le constate, il est très important de connaître le parcours musical et les influences de Ray Manzarek qui expliquent largement le style des Doors.
JIM MORRISON
Parallèlement, notre ami suit une scolarité normale. Il entre bientôt à l’université de Los Angeles, la célèbrissime UCLA et c’est là qu’il fait la connaissance de Jim Morrison. Les deux étudiants sont dans la section cinéma et il faut bien resituer le contexte de l’époque pour comprendre ce que cela veut dire.
La fin des années 50 et le début des années 60 représentent une véritable charnière sur le plan littéraire, cinématographique et musical. Jim et Ray sont passionnés par les mêmes sujets, les mêmes auteurs et les mêmes cinéastes. Pour la littérature, Henry Miller et sa trilogie Sexus, Nexus, Plexus sont omni présents.
Nos amis sont également imprégnés des écrits de Kerouac, Ginsberg, Rimbaud ou encore Céline (le voyage au bout de la nuit).Pour le cinéma, c’est la nouvelle vague avec les supers grands que sont Jean-Luc Godard ou Jean Genet.
Des films comme « A bout de souffle », « Vivre sa vie », « Le mépris », « Un chant d’amour », sont de véritables références pour Jim et Ray. Encore une fois, toutes les expériences sont permises, ce qui explique l’originalité et la richesse de l’oeuvre des Doors : elle s’inscrit dans son époque.
Jim est un sudiste et vient de Floride. C’est un poète qui sera le prolongement spirituel des écrivains précédemment cités. Mais il a également subi l’influence des musiciens et bluesmen du Deep South. Il en possède la voix rocailleuse (il a une véritable disto dans la gorge), la sensualité, l’art de la nuance dans la violence comme dans la douceur.
Il possède un charisme fabuleux et paradoxalement une grande fragilité comme les écrivains dont il s’inspire. On notera par ailleurs que Jim Morisson et Jimi Hendrix sont très proches à ce niveau. Deux comètes dans le ciel des années 60.
JJ RÉBILLARD