UN TRAIN LANCE A PLEINE VITESSE
L’ensemble des musiciens de Mr Berry joue très clean et le son Chuck Berry est donc précis, en adéquation parfaite avec son jeu de scène. Sur un plan purement guitaristique, Chuck donne une excellent définition de son style : « rythmiquement, ma guitare est un train lancé à pleine vitesse et mes solos sont la cloche qui sonne sur la locomotive. »
Effectivement, les guitares rythmiques sont basées sur des patterns directement issus des boogies de Lightnin’ Hopkins ou de John Lee Hooker, le plus souvent en version binaire.
Ce sont les fameux riffs classiques du blues dont nous parlions précédemment. Mais le tempo soutenu donne bien cette impression de train lancé à pleine vitesse.
On trouve aussi des motifs typiques de la guitare country comme dans Maybellene.
Enfin, quelques riffs Chicago blues hérités de Muddy Waters complètent cette panoplie. Pour les solos, Chuck Berry est assez fidèle au style de Big Bill Broonzy qu’il développe dans un cadre binaire et surtout plus rapide.
En fait, si l’on considère les gammes utilisées, on est très proche du jeu de certains pionniers du blues comme Blind Lemon Jefferson.
GAMMES DE BLUES AU TROISIÈME STADE
Ce jeu est basé sur les gammes de blues au troisième stade, caractéristiques du blues jazz texan ou des dérivés du Saint Louis’ Blues.
Pour les obtenir, on prend comme base une gamme pentatoniqe mineure à laquelle on ajoute les deux blue notes ainsi que la seconde majeure (2deM) et la site majeure (6teM) de la gamme pentatonique majeure.
Chuck Berry se distingue en pratiquant de nombreux doubles stops qui constituent la trame principale de son phrasé.
Notons encore des bends à l’unisson dont Chuck peut être considéré comme le créateur, ainsi que des doubles bends (bends sur doubles stops) du meilleur effet comme dans Carol.
Le jeu de Chuck Berry peut paraître au premier abord assez simpliste et proche des gammes. Il n’en est rien et son phrasé est en vérité rigoureusement calqué sur son phrasé vocal.
La mélodie est ainsi immédiatement évidente mais ne vous y trompez pas : les solos de Chuck ne sont pas si faciles à reproduire car notre homme est assez rapide et également très exigeant.
KEITH RICHARDS PREND UNE BONNE LEÇON
Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder la vidéo où il apprend à Keith Richards à jouer correctement le double bend de l’intro de Carol). Et bien d’autres choses encore.
Trop drôle cette vidéo où Keith Richards a l’air d’un gamin pris en faute et se fait rectifier la moindre anicroche. Sauf que l’on est en 1987 et que notre « gamin » a 44 ans, son père spirituel 61 et pourrait effectivement être son père.
Selon mon ami expert Phil Séguier, cette vidéo est extraite de "Hail ! Hail ! Rock 'n' Roll", documentaire de Taylor Hackford tourné à l'occasion de la préparation des deux concerts donnés pour les 60 ans de Chuck, dont Keith Richards était directeur musical. Indispensable !
En fait, le jeu de Chuck Berry est très précis, aussi précis que son son global est clean. C’est l’un des premiers maitres du « mode horloge suisse » côté rythmique.
On peut aussi considérer Chuck Berry comme l’un des tous premiers shredders dont les héritiers seront les guitaristes de surf music puis un certain Alvin Lee et tous les autres s’engouffreront dans la brèche.
Alors, à vos guitares et jouez tous ces fabuleux standards que sont les titres de Chuck car ils sont riches d’enseignements et l’on peut apprendre beaucoup du père fondateur du rock’n roll : un certain Angus Young ne s’y est pas trompé et la musique d’AC/DC est du rock’n roll joué de façon hard, dixit Angus lui-même.
A écouter les bends d’Angus, on comprend qu’il parle bien sûr du rock’n roll de Chuck Berry !!
JJ RÉBILLARD
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