
POLICE, LE PREMIER GROUPE DE FUSION ?
Fin 75, le rock semble bel et bien mort. Il a perdu son identité et son énergie initiales, flirte fréquemment avec le jazz ou la musique classique et les doux effluves du psychédélisme sont bien loin. Les New York Dolls, précurseurs et charnière essentielle entre deux époques vont donc l’enterrer sans vergogne…et le faire renaitre de ses cendres. Car il est simplement à la fin de sa première vie et une seconde jeunesse va s’offrir à lui. Dès l’été 76, les punks proclament la déchéance du vieux rock et l’émergence d’un nouveau courant, le punk rock, qui va tout balayer sur son passage.
Pour un garçon comme votre serviteur, la pilule est un peu dure à avaler. Toutes ces années passées à apprendre les plans de Hendrix, Led Zep, Yes, Jeff Beck, John Mc Laughlin et bien d’autres pour constater qu’il est plus facile d’être une star en sachant à peine jouer trois accords...... Vous avouerez qu’il y a de quoi être amer tout de même !! Pourtant, j’avais juste 20 ans en 76 (comme ça vous connaissez mon grand âge actuel), donc le meilleur âge pour être un punk. Il me fallut néanmoins quelques mois pour admettre qu’une page avait été tournée. En fait la punkitude était surtout une attitude, une bonne façon de remettre en question les vieux acquis et autres reflexes conservateurs.
GÉNÉRATION PUNK
Bien des groupes où la guitare serait
loin d’être réduite à trois accords allaient profiter du véhicule et de
l’énergie punk pour s’affirmer comme les nouvelles stars du rock. Ainsi Police
ou encore Van Halen qui était carrément étiqueté punk à ses débuts...
Donc je commençais à tendre
l’oreilleet fus assez rapidement séduit par plusieurs groupes :
d’abord les Sex Pistols (et oui finalement) puis les Stranglers, Génération X
pour finir avec les Talking Heads, Clash et Police. En écoutant ces groupes, on
percevait bien sûr l’énergie digne de celle des pionniers du rock’n roll.
Mais en plus un certain nombre de
guitaristes était loin d’être manchot et proposait un nouveau style de jeu
fusionnant parfois plusieurs styles comme le rock, le reggae, le jazz ou le
metal. Mieux ! Les sons étaient souvent inédits avec des guitaristes comme
Adrian Belew des Talking Heads. En réalité, ces guitaristes étaient en train de
réinventer la guitare électrique et d’imposer une nouvelle façon de concevoir
la guitare. Finis les déluges de notes inutiles, un seul accord, mais quel son
! Le rock se transformait et devenait fusion pour donner naissance à une
multitude de nouveaux styles. C’est dans ce contexte que naquit le groupe
Police, charnière essentielle entre les années 70 et les années 80.
MESSAGE IN A BOTTLE
J’entendis pour la première fois le
groupe en 79 avec leur premier opus,Outlandos d’amour. Plutôt
étonné, je n’eus pas à attendre longtemps pour la suite qui coïncida avec le
changement de décennie. Lorsque j’écoutais Message in a bottle, j’avoue que je
ne compris rien du tout. Impossible de percer le mystère du riff et surtout du
son. Avec "Walking on the moon”, j’appris qu’un accord unique pouvait remplacer
n’importe quel solo. Pour vous donner une idée, je disposais à l’époque dans
mon set d’une panoplie de pédales en tous genres qui avaient tendance à altérer
la qualité du signal de ma guitare. Voici une petite liste qui va vous amuser.
En série, les pédales suivantes étaient connectées
à la suite de ma guitare. D’abord deux pédales wah-wah, dont une avec fuzz, un
équalizer, un premier comresseur, un phasing, deux distorsions Big Muff, ces
quatres dernières pédales étant toutes signées Electro Harmonix (si je les
avais gardées, je serais riche à présent). Vous ajouterez à tout cela une disto
MXR, un deuxième compresseur plus un flanger Electric Mistress et une ultime
chambre d’écho. A l’écoute de Police, je me rendis compte que j’avais bel et
bien tué mon son. Je décidai de faire le ménage et de conserver seulement la
disto MXR, l’Electric Mistress ainsi que la chambre d’écho.
Je troquai mon ampli transistor Acoustic
pour un Music Man à lampes... et je réappris à jouer de la guitare. J’appris
même carrément à jouer de vraies rythmiques guitare, une réalité jusqu’ici à
peu près inconnue pour moi. Vous pouvez donc constater à quel point Police fut
un groupe important. En termes de style, Police est le premier groupe de fusion
au sens large. Il ne s’agit pas d’un groupe punk, reggae ou rock aux
réminiscences jazzy, mais d’un groupe qui mêle tous ces genres en un cocktail
unique.
En 1980, Andy Summers définit lui-même
la musique de Police que la presse assimile souvent à tort à une nouvelle forme
de reggae. «Nous ne sommes pas un groupe de reggae, nous n’en jouons même
pas. Nous explorons seulement les bases rythmiques du reggae. C’est une
approche abstraite de musiciens qui ne se réfèrent qu’à des notions de rythme,
de langage musical. Notre point de vue consiste à analyser, puis à développer
pour notre compte personnel les nouvelles données que le reggae nous a
apportées, en les mêlant notamment à d’autres éléments.» C’est cette
démarche que Police a appliquée à presque tous les styles.
JJ RÉBILLARD