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Blog JJ Rébillard

THE DOORS

STORY ET ANALYSE DE STYLE : THE DOORS (PART 7)


ANALYSE DES TITRES EN VERSION INTÉGRALE

RIDERS ON THE STORM

Le symbole de la fin des Doors : ce titre a une valeur toute particulière, d’abord parce qu’il est génial, ensuite parce qu’il est le symbole de la fin des Doors. Laissez-moi vous raconter son histoire.

A la fin des prises de L.A Woman, les Doors mettent les dernières touches. Jim finit sur Riders on the storm. La toute dernière prise est celle des vocaux de la fin, le murmure hanté dont je parlais précédemment.

Tout le monde ressent une impression bizarre, presque lugubre. Ray dira plus tard : "j’aurais dû m’en douter, c’était un funeste présage”. A la fin de la prise, Jim annonce son départ quasi immédiat pour Paris.

Les Doors ne mixeront pas l’album ensemble, Ray, Robby et John ne reverront jamais Jim. On connait la fin tragique.

A propos, savez-vous qui a eu l’idée de la pluie et de l’orage ? C’est Robby. A la fin de la prise de Jim il dit qu’il a eu l’impression de voir de lourds nuages noirs s’accumuler durant celle-ci et propose de matérialiser cette vision sur le plan sonore.


Et son sombre pressentiment a malheureusement vu sa réalisation matérielle tout court. Il est vrai que le psychédélisme avait décuplé les   dons d’extra-lucidité. N’empêche que l’idée de l’orage était excellente.

Il devient un instrument à part entière et permet au morceau de prendre tout son relief. Mais passons à la guitare.

Guitare clean et trémolo : on commence sur les claviers et le tour de la guitare ne vient qu’à l’entrée du chant. Prenez un son clean et préparez-vous à changer la position de votre potentiomètre de tonalité.

Ajoutez une bonne dose de reverbe et préréglez à l’ampli ou au multi-effet un trémolo ajusté à la vitesse du morceau. Enclenchez ce trémolo. Vous êtes prêt.

On commence avec des réponses au chant en Mi penta m. La tierce du LAm est soulignée sur ce dernier. Au couplet 2, éliminez le trémolo. Robby reprend la partie supérieure du piano en utilisant des effets de jeu très bien vus. 

On note l’utilisation du mode dorien. La séquence suivante donne l’impression d’une modulation en Lam mais on fonctionne en fait sur le bon vieux schéma du blues.

Le premier solo voit le retour du trémolo. Montez le volume de votre guitare afin d’être limite du crunch. Robby joue sur Mi penta m de à laquelle il ajoute la 6te M et la blue note n°1. Le couplet suivant est semblable au précédent.

A la fin, profitez de la tenue pour ramener la tonalité de votre guitare à un niveau proche de 1 ou 2 afin d’obtenir un son chaud et jazzy.

Piano solo : cette nouvelle partie que vous jouez pendant le solo de piano n’est pas facile du tout.

Vous devez rester très discret tout en maintenant un groove impeccable qui suit le solo dans ses moindres détails.

Vous avez toute latitude pour improviser mais il faut suivre le piano et ne pas le gêner. A la fin de cette partie remettez la tonalité de votre guitare sur la position initiale. On reprend ensuite le riff principal puis un dernier couplet.

A la fin, reprenez le trémolo et jouez le solo qui est cette fois sur le mode dorien au complet. Assignez le niveau 3 à la tonalité de votre guitare.

Superstructures harmoniques : il n’y a rien de très difficile en dehors des nuances et on admirera au passage l’habileté de Robby sur ce plan. La voix de Jim vient se couler dans le solo pour former ces harmonies bizarres dont nous parlions plus haut.

On finit sur des accords jazzy formant des superstructures harmoniques complexes avec le piano, puis on laisse la place à la pluie et à l’orage. Le mix est encore une fois assez intéressant.

Les drums sont comme dans le titre précédent. La basse est nettement à gauche, à 9h. Le piano est complètement à gauche. La guitare totalement à droite.

Enfin la pluie et l’orage sont au centre. Il s’agit donc encore d’un mix assez live. Amusez-vous bien sur ce titre qui n’est pas si lugubre que cela au bout du compte.


LOVE ME TWO TIMES

Un riff blues rock pas si facile : on retrouve le son Doors des débuts. Prenez un son clean limite du crunch. Le riff principal de ce morceau est assez évident à première vue.

C’est un riff  blues rock bien efficace mais il n’est pas aussi simple qu’il en a l’air à cause des trilles. C’est un coup à prendre et je vous conseille de travailler d’abord à basse vitesse.

On notera le mariage étrange entre la guitare blues rock et le son du clavier en forme de clavecin plutôt classique.

C’est tout simplement l’un des sons les plus caractéristiques des Doors.

Au changement d’harmonie, Robby évolue vers une rythmique en flat-picking incorporant des liaisons mélodiques.

Marquez bien vos triolets de noires et jouez ensuite au fond du temps.

On reprend alors le riff ou plutôt une variante, pas vraiment plus facile que la précédente et le couplet est semblable au précédent, à l’exception de la partie finale qui connait une légère modification de structure.

Solo de clavecin : pendant le solo de clavecin qui est resté dans toutes les mémoires, le riff de base devient plus simple et on "pousse” en jouant encore au fond du temps. Sur le troisième couplet, une nouvelle variante caractérise le riff.

La fin du morceau ne voit pas de nouvelles parties à proprement parler en dehors de quelques variantes sur les liaisons mélodiques.

Au bout du compte ce morceau n’est pas très difficile mais votre rôle est primordial sur le plan du soutien rythmique et c’est dans cette optique que vous devez jouer.

JJ RÉBILLARD

Rédigé le  26 oct. 2015 13:04 dans THE DOORS  -  Lien permanent
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STORY ET ANALYSE DE STYLE : THE DOORS (PART 6)


ANALYSE DES TITRES EN VERSION INTÉGRALE


L.A WOMAN


La rythmique acid-rock par excellence : L.A Woman est l’un des chefs d’oeuvres des Doors, une de ces longues pièces à tiroirs dont je parlais dans l’analyse générale. La guitare 2 présente toutes les caractèristiques de la rythmique acid-rock. Une pulsion légère bien funky, ponctuée de dead notes, avec alternance d’accents sur les temps faibles, les contretemps et les temps forts.

Au niveau de l’interlude la guitare s’adapte et suit le mouvement général. Dans le pont central, elle s’efface d’abord complètement, pour revenir ensuite croiser le fer avec la guitare 1 dans un double solo et finir le titre sur la même rythmique qu’au début. On note que le riff principal de cette guitare est exécuté sur un seul accord.

De la même manière, la basse joue un seul riff, à la façon d’un holler, en version acid-rock. Le clavier croise les lignes mélodiques avec la guitare lead et les harmonies sont les résultantes du mélange global. C’est le genre de morceau qui résulte de l’imbrication de toutes les parties.

Tant que vous n’avez pas enregistré la dernière note de guitare, vous demeurez incertain quant au résultat final. Ce fut du moins mon impression durant la longue reconstitution de ce titre.

Une guitare lead très mélodique : d’une manière générale, prenez un son d’overdrive en mettant peu d’effet et ajoutez de la reverbe. Sur votre guitare, mettez le volume à 8. Vous pourrez ainsi le réduire dans certains passages où le son est presque clean et l’augmenter dans le pont ou le solo 2.
Pour le slide du début, prenez plutôt un son de type distorsion en ajoutant un peu de delay.

Après quelques mesures réservées à la rythmique basse-batterie-claviers, la guitare attaque en harmonisant le lead à la tierce supérieure. On reconnait immédiatement le mode mixolydien avec sa 7èmem caractèristique. Dans la deuxième partie de l’intro, Robby répète régulièrement la même phrase déclinée sous de multiples variantes rythmiques ou mélodiques. Ces phrasés sont  typiques du style Krieger.

Pendant le couplet, Robby travaille en système question-réponse avec le chant. On retrouve ces fameuses lignes mélodiques très rythmiques et si facilement mémorisables. Au niveau du refrain, un jeu en tenues sur une succession d’accords différents donne une plus grande largeur au son avec la complicité du piano bastringue.


Solo 1 : la première phrase est encore un bel exemple d’utilisation du mode mixolydien. Dans toute la partie centrale, Robby joue sur La penta M. On remarque les bends pour l’expression mais encore une fois, l’élément le plus marquant est le rythme. En fait, si vous voulez apprendre facilement les leads de Robby, c’est très simple : il suffit de savoir les chanter.

Pour finir, on revient au mode mixolydien. La guitare reprend alors son dialogue avec le chant mais le phrasé est à présent construit sur La blues, puis on passe à l’interlude après un second refrain. La pulse change et devient  jazzy. On joue des arpèges sur des accords majeurs qui restent bien rock, le mélange étant parfaitement psychédélique.

La guitare réharmonise dans un second temps les arpèges en sophistiquant les harmonies globales puis on retrouve une pulsion rock presque latino avec le changement opéré par la section rythmique. La tension monte encore d’un cran avec la reprise du refrain. V

ous noterez déjà le nombre impressionnant de climats depuis le début du titre. Et ça n’est pas fini. Après un couplet-transit assez court où les réponses sont carrément jouées sur La penta m, dans le but de préparer le passage suivant, nouvelle cassure avec le pont 2.

Half time feel : Le rythme se dédouble (half time feel) et l’harmonie évolue doucement vers le mode m, la guitare confirmant cette direction en jouant des plans très nuancés en La penta m. Lorsque l’affaire s’est bien calmée, nos amis relancent progressivement la machine. Les deux guitares croisent le fer et la tension n’en finit pas de monter.

Les plans sont basés sur La penta m à laquelle on ajoute régulièrement l’une des deux blue notes. Le groupe accélère et l’on débouche au final sur un nouveau passage avec le solo 2. Ce passage est léger et sautillant.

Solo 2 : on est sur un schéma quelque peu modulant car Robby traite chaque accord avec la penta M partant de sa fondamentale. Ainsi, il joue Do penta M sur DoM, Ré penta M puis Ré blues sur RéM. Il donne donc l’impression que la tonalité change alors que l’on reste globalement en La blues. On revient sur le mode mixolydien au final avec un superbe phrasé au legato flamenco, dans un contexte un peu inhabituel pour ce dernier.

Vous noterez que les doubles croches sont du plus bel effet, mais attention car c’est un peu difficile. Travaillez d’abord à basse vitesse.
La fin du morceau voit le retour de parties déjà connues. Vous remarquerez l’extrême variété des nuances, surtout dans l’ad lieb. Quel morceau! Si vous aviez envie de connaitre le psychédélisme dans sa version la plus évoluée, vous avez gagné.

Un mix ingénieux : on terminera cette étude avec un gros plan sur le mix général, fruit de l’imagination de Bruce Botnick, le successeur du génial Paul A. Rothchild, qui ne mixa pas L.A Woman pour cause de divergences avec les Doors. La batterie est placée en position naturelle (parfaite stéréo respectant la position live des différents éléments). La basse est légèrement à gauche. Le Fender Rhodes est totalement à gauche, le piano bastringue totalement à droite.

La guitare lead est complètement à droite et la guitare 2 à l’exact opposé. Ce dispositif est très ingénieux car il permet aux différents instruments de faire vivre le morceau en fonction de leurs différentes parties. Ainsi l’ouverture est totale sur le refrain et la tension à son comble sur le pont central. En bref, le truc qui parachève le chef d’oeuvre. Belle leçon à méditer.


JJ RÉBILLARD

Rédigé le  19 oct. 2015 12:57 dans THE DOORS  -  Lien permanent
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STORY ET ANALYSE DE STYLE : THE DOORS (PART 5)


MATOS DE CHOC

A la lecture de ce qui va suivre, on constatera que le matériel de Robby Krieger n’est pas si sophistiqué que celui utilisé par les Beatles qui sont contemporains.

En fait, la panoplie d’un guitariste d’acid rock était rarement plus étoffée. C’est plutôt dans les nuances de jeu, le son global du groupe que l’on retrouvait l’esprit psychédélique.

Et comme le jeu consistait à ouvrir les portes de la perception, on cherchait le son avec le matos dont on disposait, jusqu’à ce qu’on l’ait trouvé. C’est ce qui explique l’incroyable variété des sons de Robby Krieger, notamment les sons saturés.


• GUITARES

La guitare principale de Robby Krieger est une Gibson SG dont on reconnaît la couleur dans de nombreux titres.

Elle a toujours ce son légèrement granuleux si caractéristique. Robby utilise également une Gibson Les Paul ainsi qu’une Gibson ES 335.

• AMPLIS

L’ampli principal est un vieux Fender. Il emploie aussi des amplis ressemblant à des Acoustic mais qui sont en fait des amplis maison dont le son est très puissant.

• EFFETS

A ce niveau, très peu de choses : le trémolo de l’ampli, effet roi de la musique psychédélique première période, une pédale fuzz et une chambre d’écho Echoplex.

Il est à noter que de nombreux musiciens ou chanteurs qui ont eu la chance d'avoir une véritable Echoplex des sixties, comme Jimmy Page et Robert Plant, l'ont précieusement conservée dans leur collection.

On peut même se procurer des bandes de rechange chez Jim Dunlop. Personnellement j'ai eu dans les années 70 une chambre d'écho Wem Copicat. Irremplaçable, délay fabuleux et chaleur du son inégalée !


POUR AVOIR LE SON ROBBIE KRIEGER


La guitare : utilisez de préférence une Gibson SG sans oublier l’indispensable vibrato. Pour certains titres, notamment dans Morrison Hôtel, on peut utiliser une Gibson ES335 ou une Gibson Les Paul.

L’ampli : un Fender Twin Reverb est recommandé pour son universalité mais si vous avez un Acoustic à lampes, ne vous gênez pas, le son est très proche.

Les effets : fuzz, chambre d’écho ou delay, trémolo et vous êtes parés.


Rédigé le  12 oct. 2015 17:51 dans THE DOORS  -  Lien permanent
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STORY ET ANALYSE DE STYLE : THE DOORS (PART 4)


POUR TOUT SAVOIR SUR ROBBIE KRIEGER

Vous me direz à présent : « et les guitares dans tout cela » ? OK, si vous voulez des détails, je vais tout vous dire sur Robby Krieger, prince de la guitare acid-rock. Robby voit le jour le 8 janvier 46 en Californie. Si Ray peut être considéré comme l’âme musicale des Doors, Robby en est le catalyseur. Flamme rock du groupe, il lui communique sa fougue et son énergie, mais apporte également beaucoup d’autres choses sur le plan purement musical.

Il débute la guitare à 15 ans en étudiant les subtilités de la musique classique de Montoya et Ségovia. Il acquiert rapidement une grande maitrise du flamenco, puis découvre le folk, le blues texan, le Chicago blues et le rock. Son vocabulaire est ainsi très large et il a à son actif tous les trucs les plus branchés en matière de guitare. Chaque solo sonne différemment mais atteint toujours son objectif.

D’ailleurs on ne peut pas parler de solo au sens habituel du terme. Ce sont plutôt des lignes mélodiques dont l’infrastructure rythmique est toujours parfaite sur le plan créatif. Elles captivent l’intérêt de l’auditeur et expliquent ainsi leur succès. Robby utilise tous les clichés guitaristiques et l’on trouve souvent des réminiscences flamenco dans son jeu.

Pour les gammes, il emploie les gammes de blues (Roadhouse blues), mais aussi des modes plus complexes comme le mode dorien (Riders on the storm) ou le mode mixolydien (L.A Woman). Son sens de la dissonnance bien placée est exceptionnel. On y retrouve l’influence du jazz, même si elle est moindre chez Robby (Light my fire). Enfin on n’insistera jamais assez sur son inventivité en slide.


RYTHMIQUES

Au niveau des rythmiques, Robby Krieger peut être considéré comme le créateur de l’acid rock avec Jerry Garcia du Grateful Dead et John Cipollina du Quicksilver Messenger Service.

Ce style de guitare se caractérise par des rythmiques funky ponctuées de nombreuses dead notes sur les harmonies du rock (L.A Woman).

Robby applique parfois ce type de jeu aux harmonies du jazz (Riders on the storm). Il possède aussi tous les plans blues (Roadhouse blues) et ajoute des attaques ou des sonorités inédites qui sont les premiers sons du heavy métal (All day and all of the night).

Il pratique le finger ou le flat picking avec aisance, sur des rythmiques ponctuées de nombreuses liaisons mélodiques (Love me two times).

On retrouve encore le flamenco dans Spanish Caravan, ce qui donne une idée de l’étendue de son jeu.



LIGHT MY FIRE

Enfin, Robby est un excellent compositeur. Light my fire, sur lequel plane l’ombre de John Coltrane est son oeuvre. C’est l’un des plus grands tubes du groupe et l’hymne du fameux Summer of love de 67. Les progressions harmoniques sont étonnantes et l’on retrouve les fameuses pièces à tiroirs multiples dont je parlais précédemment.

S’il fallait trouver un morceau qui puisse qualifier à lui seul le psychédélisme, on citerait immédiatement Light my fire. Tout ceci fait de Robby Krieger un personnage central des Doors. Avec Ray, il complète le paysage musical, support des poésies de Morisson.

Pour conclure, les Doors sont uniques et leur musique perdure encore aujourd’hui, comme leur esprit. Les Doors ont toujours été actuels, à l’instar d’un Jimi Hendrix.

Dans les années 70, on leur voue un véritable culte. A la fin des années 80, il se produit un incroyable revival à l’occasion de la sortie du film d’Oliver Stone qui leur est consacré. Dans les années 90 l’ombre de Jim Morrison plane au-dessus de Kurt Cobain. En 2000, beaucoup de jeunes de 18 ans écoutent Korn, Limp Bizkit...et les Doors.

Et en 2015, Jim Morrison et les Doors sont toujours d’actualité, qu’on le veuille ou non. Il suffirait simplement d’un nouveau film sur le groupe et son icône pour susciter un revival. Difficile à comprendre ? Alors mettez sur votre platine Riders on the storm et fermez les yeux à partir de la fin du dernier couplet en écoutant le murmure hanté de Jim.

Ses Riders on the storm se fondent dans la guitare pour former d’étranges harmonies qui font froid dans le dos. Rouvrez les yeux à 6’30 puis retournez-vous : Jim Morrison est devant vous. Avez-vous abusé du psychédélisme ? Pas sûr, car ce sont les dernières voix que Jim a couchées sur la bande avant sa mort tragique et ses retrouvailles avec l’ami Jimi au paradis des rock stars...

JJ RÉBILLARD

Rédigé le  5 oct. 2015 20:20 dans THE DOORS  -  Lien permanent
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STORY ET ANALYSE DE STYLE : THE DOORS (PART 3)


POÉSIE, ROCK, JAZZ ET PSYCHÉDÉLISME

Jim Morrison est donc le parfait chanteur pour le plus grand groupe psychédélique des sixties. Mais revenons à notre histoire. Ray et Jim finissent leur cycle d’études cinématographiques et quittent l’UCLA avec leur diplôme en poche fin mai 65. Jim décide de partir pour New York et Ray reste seul à L.A. Finalement Jim ne reste pas à New York et rentre en Californie où il retrouve Ray sur la fameuse plage de Venice Beach.

L’idée des Doors est née et il ne reste plus qu’à trouver les autres musiciens. Pas facile. Le problème du bassiste pouvait être résolu facilement grâce à la super main gauche de Ray. Il n’en était pas de même pour le batteur qui serait au carrefour du jazz et du rock. Quant au guitariste, il devait être à la fois Les Paul, Chuck Berry et Charlie Christian.

En gros le guitariste serait un rocker  qui connaît le jazz et le batteur un jazzman qui peut faire du rock, selon les propres termes de Ray. De plus, ces musiciens se devaient de bien comprendre le message de Jim et Ray : mixer la poésie au rock, le jazz au psychédélisme.

C’est à l’automne 65 que Ray découvre les deux perles rares durant les classes de méditation transcendantale du Maharishi Mahesh Yogi. John Densmore et Robby Krieger sont issus d’un groupe déjà psychédélique, les Psychédélic Rangers.


ROBBIE KRIEGER L’INNOVATEUR

John adore le jazz et vénère Coltrane ou Elvin Jones mais il sait également jouer rock. Quant à Robby, ses influences sont plutôt variées comme nous le verrons bientôt. Il présente toutes les caractéristiques recherchées par Ray.

En plus, il a dans son sac une réserve de sons quasiment inédits et joue merveilleusement du bottleneck. Son jeu est résolument blues rock, mais sa connaissance de la musique classique et du jazz lui permet de saisir toutes les subtilités harmoniques de Ray.

Le groupe est prêt et il ne reste plus qu’à finaliser les compositions de chacun en leur donnant le son Doors. Pour ce faire,  on applique le psychédélisme, ce qui consiste notamment à faire sauter toutes les barrières et à tenter toutes les expériences de mélanges sonores et stylistiques.

Nos amis vont rapidement y parvenir, mais il reste ensuite un gros problème : celui de la maison de disques. Ils se font d’abord éjecter de toutes les boites qui veulent bien les recevoir, le délai de réception n’excédant jamais 5 minutes.


Leur histoire de poésie et de rock est totalement incomprise et passe surtout pour de la musique de drogués...

Ils réussissent  cependant à devenir le groupe maison du célèbre Whiskey-a-Go-Go où ils font un véritable malheur, jouent avec les Them, Franck Zappa, Buffalo Springfield, les Byrds et bien d’autres encore.

Jim devient le sex symbol le plus en vu du moment et les Doors signent enfin avec Elektra Records.

Deux jours après, ils rencontrent le cinquième Doors, Paul A. Rothchild, le producteur le plus cool, le plus intelligent et le plus branché de la planète. On connaît la suite en sept albums, comme les sept chakras.

UN SON ET UN STYLE PRÉDÉFINIS


On  remarque donc que le son et le style des Doors sont  pratiquement prédéfinis avant qu’ils aient effectué le moindre enregistrement.

Les grandes lignes en sont les suivantes : côté son, la voix de Jim, celle d’un authentique bluesman, capable de faire frissonner le rocker le plus endurci. 

Le clavier basse hypnotique de Ray et ses pianos bastringue ou ses claviers inédits comme le clavecin de Love me two times.

La guitare de Robby aux mille sonorités, tantôt clean ou crunch, tantôt ultra saturées avec des sons précurseurs du métal et ce bottleneck très étrange comme dans l’intro de L.A Woman.

La batterie inédite, mélange de jazz et de rock, caractérisée par une légèreté funky qui deviendra la marque de fabrique des batteurs d’acid-rock.

Cet habile mixage est le son des Doors. En studio, l’inventivité de Paul Rothchild donnera la touche finale, de par ses expérimentations stéréophoniques, ainsi que vous le constaterez dans l’analyse des différents titres.

Pour le style le psychédélisme domine : on peut tout essayer, du moment que cela fonctionne. On teste les mélanges les plus fous et on laisse naitre la couleur finale.

Les textes sont de pures poésies, le fond musical un mix de pop californienne, de rock’n roll, de Chicago Blues et de jazz.

Accessoirement, on ajoute une pincée de musique classique, de flamenco ou de world, comme dans The End.

Cela rappellerait presque  les Beatles. Il est vrai que les Doors ont subi leur influence, mais ils ont été les premiers à tester de tels mélanges et à appliquer les idées du psychédélisme à la musique.

Celui-ci confère aux compositions un caractère nouveau pour l’époque. Ce sont souvent de longues pièces aux tiroirs multiples, caractérisées  par de fréquentes improvisations vécues par l’ensemble du groupe.

On sort ainsi de l’univers gentillet des chansons pop de la première moitié des sixties. 


JJ RÉBILLARD






Rédigé le  28 sep. 2015 20:06 dans THE DOORS  -  Lien permanent
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STORY ET ANALYSE DE STYLE : THE DOORS (PART 2)



PIANISTE ET BASSISTE DES DOORS

Tout commence en 1939 (et oui, ça ne date pas d’hier). Ray Manzarek voit le jour à Chicago, issu d’une famille  d’origine polonaise. Ses parents sont des collectionneurs de disques de blues et sa mère chante admirablement.

Il commence le piano à 7 ans, suit dans un premier temps des cours "classiques” avec un prof plutôt rébarbatif   avant de rencontrer le prof idéal qui lui apprend toute sa science, à commencer par la structure du blues. Viennent ensuite le rag,  puis le boogie woogie.

Cette période est très importante pour les futurs Doors. Laissons Ray commenter lui même: « Ma main gauche est finalement devenue le bassiste des Doors. La technique du boogie woogie, et le clavier-basse Fender Rhodes se combinèrent pour créer le bourdonnement hypnotique du son des Doors ».

Et à 13 ans, notre ami a une rencontre mystique avec le blues. Muddy Waters, John Lee Hooker, Magic Sam, Sonny Boy Williamson, Howlin Woolf, en clair toute la crème du Chicago Blues de la grande époque. En fait, c’est justement l’apogée du Chicago Blues des pionniers de l’éléctricité et l’adolescence de Ray coincide avec cette période. 


LE STYLE MANZAREK

A 17 ans, le rock’n roll devient le truc du moment et Ray en profite pour apprendre à faire rocker son piano, un complément de formation, en quelque sorte. Mais ses passions reste le blues ou le rythm’n blues, notamment le nouveau style funky d’un Otis Rush, initiateur du blues mineur.

Du fait de son goût pour la black music, Ray écoute aussi du jazz. John Coltrane est sa principale influence avec le pianiste Mc Coy Tiner, mais Miles Davis le marque également profondément. 

Le jazz restera cependant plus discret dans son style, apparaissant au détour d’un solo ou encore dans les harmonies des compos des futurs Doors. Ray conserve une forte connotation blues, boogie, ainsi qu’une approche très soul de la musique.

Enfin sa première éducation est classique, à l’européenne. Il en gardera une grande habileté harmonique, en particulier dans l’art des modulations. Un évènement confirme l’importance de la musique classique dans l’éducation musicale de Ray, mais il se produit plus tard à la fin des années 50.

Ray découvre Debussy interprèté par l’orchestre symphonique de Chicago. « La Mer » est un véritable électrochoc sur le plan des ambiances harmoniques, et l’on retrouvera cette influence dans plusieurs compositions des Doors.  

Le second électrochoc a lieu lorsque Ray écoute « La Mer » en version jazz par Bill Evans. Ray comprend alors que tous les styles peuvent être mixés pour parvenir à toutes les sortes de fusion. Comme on le constate, il est très important de connaître le parcours musical et les influences de Ray Manzarek qui expliquent largement le style des Doors.



JIM MORRISON

Parallèlement, notre ami suit une scolarité normale. Il entre bientôt à l’université de Los Angeles, la célèbrissime UCLA et c’est là qu’il fait la connaissance de Jim Morrison. Les deux étudiants sont dans la section cinéma et il faut bien resituer le contexte de l’époque pour comprendre ce que cela veut dire.

La fin des années 50 et le début des années 60 représentent une véritable charnière sur le plan littéraire, cinématographique et musical. Jim et Ray sont passionnés par les mêmes sujets, les mêmes auteurs et les mêmes cinéastes. Pour la littérature, Henry Miller et sa trilogie Sexus, Nexus, Plexus sont omni présents. 

Nos amis sont également imprégnés des écrits de Kerouac, Ginsberg, Rimbaud ou encore Céline (le voyage au bout de la nuit).Pour le cinéma, c’est la nouvelle vague avec les supers grands que sont Jean-Luc Godard ou Jean Genet.

Des films comme « A bout de souffle », « Vivre sa vie », « Le mépris », « Un chant d’amour », sont de véritables références pour Jim et Ray. Encore une fois, toutes les expériences sont permises, ce qui explique l’originalité et la richesse de l’oeuvre des Doors : elle s’inscrit dans son époque.

Jim est un sudiste et vient de Floride. C’est un poète qui sera le prolongement spirituel des écrivains précédemment cités. Mais il a également subi l’influence des musiciens et bluesmen du Deep South. Il en possède la voix rocailleuse (il a une véritable disto dans la gorge), la sensualité, l’art de la nuance dans la violence comme dans la douceur.

Il possède un charisme fabuleux et paradoxalement une grande fragilité comme les écrivains dont il s’inspire. On notera par ailleurs que Jim Morisson et Jimi Hendrix sont très proches à ce niveau. Deux comètes dans le ciel des années 60. 

JJ RÉBILLARD

Rédigé le  21 sep. 2015 19:48 dans THE DOORS  -  Lien permanent
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