Err

Blog JJ Rébillard

CHUCK BERRY

STORY ET ANALYSE DE STYLE : CHUCK BERRY (PART 2)


TEX MEX ET ROCKABILLY

Le dernier titre, School Days, est encore différent. On remarque d’abord la formule shuffle, caractéristique du blues binaire. La caisse claire est loin d’être en avant et on est beaucoup plus proche des racines blues.

La basse joue une ligne que l’on peut considérer comme l’ancêtre des lignes de basse blues rock. Elle est très dépouillée au plan des degrés ou notes choisis, se réduisant pratiquement aux fondamentales des accords.

Le solo crée un style nouveau et c’est avec celui de Rock Around The Clock (Bill Haley), le premier solo rockabilly. Il commence avec des doubles stops en triolets qui créent une tension.

La phrase suivante, empruntant d’abord un arpège suivi d’une gamme en doubles stops, est caractéristique du style Tex Mex. Enfin, le reste du titre fonctionne encore largement sur le système question-réponse.

On remarque que Chuck répond exactement à son chant à l’aide de sa guitare, les phrases présentant mille variantes subtiles.


LE ROCK’N ROLL SELON CHUCK BERRY


Au plan général, la musique de Chuck Berry est issue d’un fameux mélange où l’on retrouve 60% de blues sur tempo rapide, avec un afterbeat fréquent. Ajoutez un peu de ragtime, de la country, une pincée de jazz, de la guitare hawaïenne et du Tex Mex et vous obtiendrez le rock’n roll immédiatement reconnaissable et parfaitement typique du style de Chuck.

Avec le rythm’n blues, le rock de notre ami va donner naissance à tous les styles dérivés qui apparaissent dans les 40 dernières années du XXème siècle.

Il est donc nécessaire pour tout guitariste qui se respecte, de connaître le rock’n roll de Chuck Berry comme le blues de B.B. King, des valeurs sûres et incontournables.

Au plan sonore, la musique du « Jailhouse Rocker » est très clean, si l’on fait abstraction du son des enregistrements de l’époque.

En effet, certains instruments sont quelque peu noyés dans la masse, même si certaines versions remastérisées compensent un peu le problème.

Le son de guitare est plutôt propre, généralement clair avec un léger crunch qui le rend aussi sautillant que le pas de canard de son maitre.

Les accompagnateurs de Chuck sont des musiciens d’exception, bien qu’il soit capable de partir seul en tournée et de monter un groupe différent dans chaque ville où il se produit.

Toujours est-il que lorsqu’il arrive chez Chess Records en 1955, les deux frères du même nom comprennent immédiatement qu’ils ont affaire à un artiste peu commun.

UNE SECTION RYTHMIQUE TALENTUEUSE

Ils lui proposent donc les services d’une section rythmique particulièrement talentueuse, constituée de Willie Dixon à la basse et de Fred Below aux drums.

Au sujet de ce dernier, il y avait la batterie avant Fred Below et la batterie après Fred Below. Avant, les drums n’étaient presque qu’un washboard perfectionné.

Après, la batterie devient le véritable guide rythmique qui relance le phrasé des autres musiciens en permanence.

C’est Fred Below qui crée le fameux Chicago Beat ou afterbeat dont nous parlions précédemment.


Et c'est le beat de la deuxième moitié du XXème siècle, créé par Fred Below, qui sera consacré dans les années 80 avec les réverbes numériques.

Elles mettront les caisses claires en valeur, allant parfois jusqu’à une exagération quasi insupportable qui sera tempérée à partir de 1990 par des samples plus soft.

Enfin, Chuck Berry aura la chance d’avoir deux pianistes excellents et virtuoses.

Lafayette Leake ou Johnny Johnson sauront mettre en valeur la guitare de Chuck, avec un jeu question-réponse et des contrechants généralement très bien vus.

JJ RÉBILLARD
Rédigé le  29 mars 2017 18:39 dans CHUCK BERRY  -  Lien permanent
0 Commentaires  

STORY ET ANALYSE DE STYLE : CHUCK BERRY (PART 1)


FEDERATEUR


Chuck Berry mérite bien le titre de père fondateur du rock’n roll. Charnière essentielle entre les bluesmen des années 40 et les rockers des sixties, Chuck a influencé la plupart de ses contemporains et bien sûr des musiciens des générations suivantes.

C’est le B.B King du rock. Pour exemple, en mars 1990, Chuck Berry donne un concert à deux pas de la basilique de Saint Denis, en France, devant quatre mille personnes.

Le public est plus que diversifié et quatre générations s’y côtoient sans problème, du rocker des sixties au rappeur des années 90.

Le père du rock délivre une prestation sans faille, enchainant tous ses tubes : Maybellene, School Days, Johnny B. Goode, Memphis Tennessee, Roll Over Beethoven, Sweet Litlle Sixteen, Carol, Rock’n Roll Music…

Intros et solos en doubles stops, rythmiques implacables, textes pour teenagers à la recherche de la fureur de vivre, jeu de scène inimitable avec son célèbre pas de canard.

C’est le cocktail de Chuck où se reconnaissent plusieurs générations. En 1955, le rock’n roll incarne la révolte de la jeunesse. En 1990 et dans les années suivantes, le hip hop a remplacé le rock’n roll mais le message est toujours le même.


Seules comptent l’authenticité et la sincérité du prêcheur. Chez Chuck, elles sont restées intactes, entre Son House et Zack De La Rocha et les rappeurs de Saint Denis ne s’y sont pas trompés…

UN STYLE ET UN SON UNIQUES

Né à la fin des années 20, peu après B.B. King, Chuck Berry s’initie à la musique dès son plus jeune âge. A six ans, il chante déjà dans la chorale de l’église baptiste de Saint Louis.

A dix ans, il fait partie d’un groupe de blues de la même ville. Une star du jazz local lui apprend les premiers rudiments en matière de guitare mais les quatre cordes de son instrument de l’époque ne lui autorisent qu’un éventail de jeu assez réduit.

C’est à partir de l’âge de quinze ans que notre homme va pouvoir donner libre cours à son inspiration avec une vraie 6 cordes et vous connaissez la suite…

Les influences majeures de Chuck sont avant tout celles des pionniers du blues électrique : John Lee Hooker, T. Bone Walker, Big Bill Broonzy et surtout Muddy Waters marquent clairement le futur rocker.

Mais le jazz, le ragtime, le style Tex Mex ou la musique des Caraïbes font également partie du paysage sonore de Chuck Berry.

C’est à partir de ce panel d’influences qu’il va créer ce style et ce son, devenus aujourd’hui légendaires.

Ils sont la marque de fabrique du rock’n roll et l’écoute des trois titres que je vous propose dans l’analyse finale de cette rubrique vous permet de comprendre la genèse du rock, comme sa parenté avec les styles précédemment cités.

AFTERBEAT ET ROCK’N ROLL

Commençons avec Carol. Le fait le plus marquant est certainement l’afterbeat (accentuation des 2ème et 4ème temps). La caisse claire est bien en avant avec un son légèrement reverbéré caractérisé par un écho court que l’on retrouve ensuite dans tout le rockabilly. La guitare rythmique est un pur riff de blues, un classique que vous reconnaitrez immédiatement.

La différence est qu’il est ici parfaitement binaire alors que les formules binaires étaient pratiquement absentes du blues depuis les années 20. Enfin, le dialogue entre le chant, le piano et la guitare lead est évident.

Cest le fameux système question-réponse du bon vieux blues. Notez encore le tempo soutenu (158) et vous aurez la définition de base du rock’n roll : du blues rapide binaire et rythmé (after beat), en bref du rythm’n blues version fin des fifties.

Mais le rythm’n blues et le rock’n roll ne sont pas deux styles rigoureusement identiques, comme l’écoute du deuxième titre va vous le montrer.

Il s’agit d’un autre standard du maitre : Sweet Little Sixteen. Ici, la parenté avec la country music, le ragtime ou la musique des Caraïbes est évidente.

D’entrée, l’afterbeat domine encore, mais il est exécuté différemment, avec un mélange de peau et de rimshot sur la caisse claire qui le rend plus léger, comme en country.

Le balancement de la basse est également caractéristique de ce style.

Il obéit à un groove de type marche, sauf dans le deuxième couplet où l’on trouve une walking basse directement issue du jazz.

Pour le piano, c’est du pur ragtime et côté guitare rythmique, c’est toujours le fameux riff classique du blues, encore une fois binaire.

Notons qu’il se superpose au groove shuffle des cymbales avec un effet caractéristique du style de Chuck, que l’on identifie dans pas mal de standards du rock. Enfin, à l’écoute des deux solos, on retrouve la musique des Caraïbes.

Pour un peu, on croirait presque entendre de la guitare hawaïenne.


JJ RÉBILLARD

Rédigé le  21 mars 2017 12:50 dans CHUCK BERRY  -  Lien permanent
0 Commentaires